Présentation du projet
Le groupe transversal « Mobilités urbaines pédestres » (MUP) est en partie organisé autour de projets de recherche-action avec des collectivités territoriales publiques françaises. Il s’agit de travailler de concert avec ces acteurs pour identifier les connaissances nécessaires sur les conditions de marche en ville et sur les déterminants, tant techniques que sociaux et politiques, de l’action publique dans ce domaine.
Dans le cadre des collaborations notamment avec le CD94, le MUP s’attache à développer la notion d’infrastructure pédestre en observant que les activités de marcheurs ne sont pas réductibles aux déplacements piétons et sont difficiles à canaliser dans les infrastructures linéaires. Ces « tuyaux » sont poreux et les marcheurs vont d’une infrastructure à une autre par des points de passage formels ou informels et déconseillés (ou non-considérés comme les traversées d’îlots ou d’espaces verts). Or ces infrastructures dépendent de règlements et d’acteurs différents : en ce qui concerne la voirie, ces derniers se coordonnent pour faciliter et sécuriser la circulation des véhicules, pas celle des piétons ; en ce qui concerne les infrastructures hors-voirie, il n’existe pas encore de coordination. Toute une réflexion est à mettre en place pour redéfinir ce qu’est une infrastructure pédestre, sur les indicateurs ou mesures à analyser et la façon dont les acteurs urbains doivent se coordonner pour agir sur des sites relevant de plusieurs compétences (article en préparation : Monnet J., « Marcher en ville : technique, technologie et infrastructure (s)low tech », Urbanités #12, dossier « La ville (s)low tech », sept. 2019).
Ces réflexions amènent à des enjeux d’innovations théoriques et méthodologiques en cours de développement par le Groupe Transversal sur l’observation des marcheurs :
Innovations théoriques sur le renouvellement de la notion d’infrastructure en y intégrant des éléments absents de la conceptualisation (et de la conception) des infrastructures urbaines et de transport.
- Diagnostic des besoins, décision et conception des aménagements : en conséquence de cette réflexion, le mode de décision et de conception des aménagements destinés à la marche n’a pas à suivre les mêmes procédures descendantes et techniciennes que celles utilisées pour les infrastructures routières. Or les trottoirs font partie de ces infrastructures et ils sont donc généralement conçus avec elles.
- Contributions théoriques à la réflexion sur la notion de « maîtrise d’usage ». Contributions qui se traduisent dans la dimension méthodologique dans les démarches participatives, pour analyser les besoins (budget participatif, notamment), les procédures de co-conception des aménagements. L’essor des démarches participatives – en se focalisant sur l'exemple de la Stratégie Paris Piéton – a été étudié et présenté dans un article (Demailly K. et al.. Quels impacts de la marche sur le « vivre » et le « faire » la ville contemporaine ?, Pollution atmosphérique, Climat, Santé et Société, 2018).
Le projet INFRAPED
Dans ce cadre général, le groupe MUP développe depuis deux ans le projet « Infrastructure pédestre » (Infraped) avec l’administration des routes départementales du Val de Marne, en région parisienne. Le Conseil Départemental souhaite transformer sa voirie routière en « espaces publics à vivre » qui permettraient le développement des déplacements en vélo et à pied, favoriseraient les activités de proximité et contribueraient à l’inclusion sociale.
Dans cette perspective, notre but est d’aider à construire une capacité de diagnostic de la voirie qui associe l’identification de ses dimensions matérielles les plus significatives pour la marche et l’analyse des pratiques pédestres et des publics les plus sensibles à une transformation de l’infrastructure.
Après une première phase consacrée à la conceptualisation de l’infrastructure pédestre, la deuxième phase du projet a porté sur deux terrains d’expérimentation contrastés pour appliquer des méthodes qualitatives (observations, entretiens destinés à caractériser les interactions entre les usagers et leur environnement de marche) et des méthodes de comptage basées sur des enregistrements des flux piétons en différents points - trottoirs et traversées - et moments de la journée et de la semaine.
Les premiers résultats montrent l’importance de concevoir les espaces piétons en fonction d’une combinaison complexe de facteurs : outre le volume global de passants et la prégnance de l’insécurité représentée par les véhicules (particulièrement intenses aux heures de pointe à cause de la proximité d’éléments externes comme une gare ou des écoles), il est important d’intégrer que le fonctionnement global de la rue dépend aussi du degré de diversité interne des comportements pédestres, fortement dépendante des horaires, des motifs de déplacement et des profils sociodémographiques des usagers.
L’enjeu de la troisième phase est donc de compléter l’analyse et la spécification de ces « espaces publics à vivre » en tant que systèmes complexes. Nous faisons l’hypothèse qu’il est possible de caractériser un nombre limité de types, dont pourrait se déduire la gamme des interventions pertinentes pour un site à aménager. A ce stade, notre question de recherche est de savoir quelles sont les informations à produire, et les traitements à réaliser ? La réponse devrait permettre ensuite d’argumenter en faveur de telle ou telle intervention et la soumettre à la décision des élus départementaux et municipaux.